Manager de transition : l’homme aux colts d’or !
Parution le 2 Avril 2020 dans Le Journal de l’Économie, par Daniel Brechignac, Directeur Général de transition.
La crise du Covid-19 et ses règles de confinement a déclenché un flux de déclarations de bonnes volontés de la part des cabinets de dirigeants de transition ou d’interim management. Le moment est donc particulièrement approprié pour éclairer les particularismes du manager de transition.
Mission de transition, ni recrutement supplétif ni préambule de recrutement.
Une mission de transition est avant tout une prestation de services intellectuels de management opérationnel. Le dirigeant de transition vient dans une entreprise pour pallier un manque de compétences opérationnelles dans un contexte en tension (défaillance d’un dirigeant) voire une crise avérée où l’urgence prédomine (blocage d’une situation logistique ou de production, procédure collective). Quel que soit le contexte il a pour objectif de tenir l’exploitation au quotidien et faire évoluer la situation pour un retour à la normale. Ce dernier point impliquera notamment qu’il vienne avec une capacité d’interrogation des habitudes et procédures en place, pour pointer les dysfonctionnements lourds et tenter de faire évoluer la situation et les méthodes de travail.
Il vient donc dans l’entreprise pour faire bouger les lignes. En cela il ne vient pas pour revoir la stratégie ou avec une quelconque ambition de pérenniser sa présence, il n’est pas dans l’entreprise pour s’y installer, mais simplement pour y passer, le temps de remettre de l’ordre en mobilisant les équipes internes et en leur redonnant leur autonomie. Il pourra challenger et tester la stratégie sur le périmètre qui lui aura été fixé (Finance, Production, Systèmes d’Info …) mais il le fera en étant précis et opérationnel et jamais en s’aventurant dans des analyses de positionnement stratégique sophistiquées. Le manager de transition est un pragmatique qui s’appuie avant tout sur le tryptique : « Expérimenter, Mesurer, Corriger »
Le film d’Edward Dmytryk, « Warlock » avec Henry Fonda, est en tous points une splendide parabole de ce que peut être une mission de transition. Certes le film est de 1959 et plutôt conseillé aux amateurs de western, mais que les millenials se rassurent il est en couleurs.
Mais qui est « l’homme aux colts d’or » ?
Cet homme qui vient lorsque la situation paraît désespérée ou tout simplement bloquée, et qui repartira après l’avoir normalisée. Ce voyageur qui va transmettre et restaurer la confiance des équipes pour mieux leur passer le relais ensuite et leur souhaiter bon voyage lorsque tout ira mieux. Cet homme étrange qui a bourlingué, a vu beaucoup de situations, d’entreprises, de paysages et de contextes différents; est avant tout une personnalité qui résiste voire apprécie l’imprévu. Il fait preuve d’une stabilité émotionnelle et d’un calme déconcertant dans la tempête. Il évalue et mesure d’un coup d’œil, vérifie ses intuitions et les challenge tous les jours. Il s’écarte du pouvoir ou plutôt il évite les jeux du pouvoir et s’isole de la politique interne à l’entreprise. Là n’est pas son sujet, bien plus, là est le gouffre qu’il sait devoir éviter, et c’est pour cette raison entre autres qu’il n’est pas là pour rester.
Le manager de transition n’est non seulement pas un homme de pouvoir mais bien plus, son rapport au pouvoir et à l’autorité est prudent et aiguisé. Il serait en quelque sorte sur le chemin de ce que Baltasar Gracìan décrit dans son « Art de la Prudence ». Ainsi est-il soucieux de transmettre et distribuer; l’expérience, le savoir, les méthodes, les valeurs. Et cela au travers de relations humaines simples et authentiques avec les équipes qu’il anime autant qu’avec les interlocuteurs avec lesquels il pilotera sa mission (fournisseurs, clients, institutions…).
Aucun remerciement en fin de mission, aucune médaille ne vaudront jamais la phrase discrète d’un salarié qui vous dit le jour du départ : « merci d’être venu nous aider, nous avons vraiment vu les choses autrement ».
Quand et pour qui intervient-il ?
Dire qu’il intervient dans des contextes en tension ne décrit pas suffisamment la situation dans laquelle le manager de transition trouve toute sa place. Il est l’homme de la situation lorsque toutes les solutions internes ont été tentées ou que les équipes en place ne permettent pas de déployer une idée ou un projet.
Surtout il intervient lorsque la direction ou l’actionnaire de l’entreprise exprime le souhait de voir bouger les lignes au-delà de la simple résolution de la crise. Le mot d’ordre est alors d’éviter de revenir au point de départ lorsque la situation de tension sera passée. Le manager de transition s’intéressera à ce qu’il peut exploiter de la crise pour faire évoluer les équipes, leur apprendre à travailler différemment ensemble, et faire bouger l’organisation et les méthodes pour ne pas repartir dans les mauvaises habitudes une fois l’orage éloigné.
Parce que la crise quelle qu’elle soit cimente les équipes et leur fait découvrir un autre visage de l’autre, le dirigeant de transition a à cœur de leur redonner le goût et le plaisir de collaborer ensemble.
Si le dirigeant de transition est au service de l’entreprise et de son donneur d’ordre actionnaire ou non, il intervient autant pour aider les équipes que pour sortir l’organisation d’une passe difficile. Et pour cela il se doit d’être en phase avec son commanditaire. De cette proximité et de cette parfaite compréhension dépendra la pérennité des actions engagées en sa présence. Si il intervient plutôt dans des entreprises de plus de 50 salariés ou des grandes entreprises multinationales; il faut admettre que ce n’est pas tant la taille de l’entreprise que sa gouvernance et son actionnariat qui conditionnent le recours à ce voyageur managérial d’un genre nouveau. Il pourra par exemple être très efficace sur une entreprise de 20 à 50 personnes qui se retrouve brutalement privée de son dirigeant, et ce dans l’industrie comme dans les services.
Plus que le type d’organisation, c’est bien le contexte de rapport au pouvoir et à la prise de décisions qui guide l’efficacité du recours à un manager de transition. L’entreprise (sa direction) est-elle prête à tout entendre et à tout mettre en place pour sortir durablement de la situation et ne pas y revenir ?
Par Daniel Brechignac, Directeur Général de transition.